Je me suis replongé récemment dans
Inflorenza Minima
de Thomas Munier, plus précisément dans la seconde édition qui
avait bénéficié d'une superbe mise en page et des illustrations
signées Willy Cabourdin. Ma dernière lecture de ce jeu datait de
2017 et j'avoue l'avoir lu un peu en diagonale. D'ailleurs j'indiquais déjà à
l'époque avoir besoin d'une lecture approfondie. Et c'est ce que j'ai fait.
C'est chose faite. J'ai doublé ma lecture par l'écoute du
podcast de la Cellule
consacré à Inflorenza Minima enregistré en juin 2016.
Qu'ai-je pensé de ce jeu? D'abord l'univers de jeu, une Europe
post-apocalyptique envahie par la forêt, la fameuse forêt de
Millevaux qui traverse l'ensemble de l'oeuvre de Thomas Munier,
un peu comme le Champion Eternel dans l'oeuvre de Moorcock. L'Oubli
qui ronge la mémoire des hommes. L'Emprise, corruption née de la forêt.
L'Egrégore, magie qui façonne la réalité à l'image des peurs des
hommes. Les Horlas, monstres tapis dans la forêt, fruits de la magie
forestière de Millevaux. Donc un univers de jeu riche et intrigant. De
l'horreur mais aussi de l'émerveillement. Un monde cruel aussi, sans pitié
pour les âmes perdues qui l'arpentent.
Le jeu ensuite; un équilibre subtil de jeu narratif ponctué de choix moraux,
un jeu cruel à l'image de son univers où les joueur.euse.s devront constamment
sacrifier des choses ou des parties de leurs personnages pour arriver à leurs
fins, ou renoncer. La notion de prix à payer est partout. Pas de dés ou de
hasard ici. Le destin est entre les mains des joueur.euse.s et de la
Confidente, équivalent du Meneur de Jeu dans les jeux de rôle
traditionnels.
Le livre de 98 pages présente d'étonnantes illustrations et peut sembler
désarçonnant dans son approche. La structure même du livre est comme un
enchevêtrement de racines et de lianes qu'il faut défricher. Une lecture comme
l'exploration d'une jungle. On a un résumé des règles puis très vite un
exemple complet de partie. Suivent les fondamentaux du jeu, des options, des
conseils pour jouer en campagne, avec ou sans Confidente, le tout
ponctué d'exemples. On n'est pas face à un jeu classique dans son approche et
il faut accepter de se laisser guider dans les méandres du livre comme dans
les sentiers et les méandres de la forêt de Millevaux.
Un jeu qui met l'accent sur les choix moraux et qui prend un plaisir ludique à
faire souffrir les personnages mais aussi un peu les joueur.euse.s afin d'en
extirper la moelle, la sève, pour une expérience de jeu halluciné et
hallucinante. Une poésie dramatique et emprunte de magie. Des contes cruels
dans la forêt de Millevaux. On vous aura prévenu.