mardi 29 mai 2018

Dream Askew existe et s'appelle Slab City

Dream Askew existe et s'appelle Slab City.
Située en plein désert, dans le sud-est de la Californie, Slab City était à l'origine une base militaire aujourd'hui désaffectée et dont il ne subsiste plus que les slabs, pylônes et plaques de béton sur lesquels étaient érigés les bâtiments militaires et qui ont donné leur nom à l'endroit.
Aujourd'hui Slab City est une aire de campement sauvage, sans eau et sans électricité, lieu de villégiature temporaire pour les snow birds, des retraités vivant dans des mobil homes et parcourant les Etats Unis en quête de climat clément, ou adresse permanente pour les squatters, sans-abris, anarchistes, rêveurs ou rejetés de la société, victimes de la crise économique.
A Slab City, il n'y a pas de loi ni de taxe. Aucune règle. C'est sans doute l'unique ville libre des Etats Unis.
C'est ce côté hors du temps et du monde, à l'écart de la société qui m'a fait penser au jeu Dream Askew d'Avery Adler que j'ai chroniqué le mois dernier. Bien entendu, on est peut-être un peu loin de certaines des problématiques posés par le jeu, notamment en terme de sexualité et d'identité., quoiqu'en y réfléchissant bien, certaines des situations décrites dans le reportage ARTE Les campeurs de Slab City et le reportage Slab City, la ville des perdus de l'Amérique peuvent donner des idées et servir d'inspirations pour une partie de Dream Askew.
Personnellement, j'ai toujours été fasciné par ces personnes qui arrivent à vivre en marge du système, bon gré mal gré, assumant plus ou moins leur mode de vie outsider et indépendant. C'est clair qu'une majorité des habitants de Slab City sont là à cause de la malchance, victimes d'accidents de la vie et n'ayant que peu d'espoir d'un jour retrouver une vie normale. Ils n'ont pas choisi ce mode de vie mais garde la tête haute et font contre mauvaise fortune bon cœur. C'est admirable et courageux. Je ne suis pas certain que j'arriverais à (sur)vivre dans ces conditions.
Pourtant j'essaie de prôner une certaine décroissance dans ma vie quotidienne. J'essaie de réduire ma consommation; je trie et je recycle; je cultive un potager et j'élève quelques poules. Bon, j'ai un boulot rémunéré et je ne vis pas dans une caravane mais je reste conscient que mon mode de vie est fortement lié une société dite de consommation et de croissance. En tout cas, ces deux reportages donnent à réfléchir. Ca remet un peu les idées en place par rapport à tout une série de choses qu'on tient pour acquise ou allant de soi.

lundi 28 mai 2018

La Révolution des androïdes, court-métrage à choix multiples

Je suis quelques youtubers parmi lesquels CYRIL qui produit pas mal de gameplay de jeux vidéo. Il produit également des courts-métrages. Le dernier en date, la Révolution des Androïdes, met en scène notre monde dans un futur où les androïdes sont devenus réalité et aident les humains dans leurs tâches quotidiennes mais aussi au niveau des forces de police.
Le court-métrage est présenté en deux parties, côté criminel et côté justice, et racontent deux aspects de la même histoire, comme les deux faces d'une même pièce. On y découvre le point de vue de César, un androïde en fuite et RK800, un androïde policier.
Le petit truc sympa, c'est le choix proposé à la fin de chacune des vidéos; les internautes ont l'occasion de décider du destin des différents protagonistes. La suite sera diffusée le 31 mai sur la chaîne de Cyril.



Ces deux vidéos ont été produites à l'occasion de la sortie prochaine du jeu PS4 Detroit: Become Human. Ce jeu et les sujets abordés dans les deux courts-métrages m'ont rappelé une excellente série ARTE Real Humains dont j'avais chroniqué les premiers épisodes.

mardi 22 mai 2018

Dark Davokar

Petit billet rapide en passant pour un coup de projecteur sur Dark Davokar, une adaptation élégante de Cthulhu Dark à l'exploration des terres sauvages de Symbaroum.
L'auteur avoue adorer Symbaroum et son univers sombre et plein de mystères MAIS trouver le jeu trop orienté combat à son goût. Il avait envie d'explorer la folie et le surnaturel plus que d'affronter des monstres l'épée au poing. Cthulhu Dark lui a semblé un bon système de jeu pour expérimenter cette approche, d'où ce hack.
A la lecture, le jeu tient ses promesses, la Corruption remplaçant la Folie des règles initiales. Les mécaniques, très simples, sont identiques. On a même une petite fiche de personnage incluse dans ce jeu en une page.
Seul prérequis: connaître le monde de Symbaroum.

jeudi 17 mai 2018

Le Murmure des loups (Serge Brussolo)

Quelle meilleure cachette, au terme d'un hold-up sanglant, qu'un bâtiment condamné, perdu au milieu d'anciens locaux militaires placés sous haute surveillance? Bien sûr, il vous faudra cohabiter avec les rats, véritables propriétaires des lieux.
Etudiant pauvre, Daniel Sarella, lui, s'est fait embaucher dans une société de gardiennage pour gagner un peu d'argent. Et lorsqu'il découvre l'univers ténébreux des vigiles, ces guerriers de la nuit, il se demande s'il a fait le bon choix. Trop tard. On n'entre pas impunément dans ce monde nocturne, peuplé de fantasmes d'autodéfense.
Daniel ouvrira même la porte du bâtiment aux rats et découvrira comment la terreur du nucléaire peut mener des tueurs paumés à s'enterrer vivants. Commence alors pour lui une histoire d'amour funèbre dont il aura bien du mal à sortir vivant.

Trouvé en même temps que l'Armure de Vengeance au hasard d'une boîte à livres, le Murmure des loups de Serge Brussolo nous propose cette fois une histoire contemporaine.
Au long des presque 250 pages de ce roman de poche, l'auteur nous emmène au cœur des ténèbres, dans le monde singulier des agents de sécurité, des rondes nocturnes et de secrets bien gardés.
Dans les ténèbres d'un bâtiment désaffecté, au centre d'une base militaire, deux destins vont se télescoper: celui de Daniel Sarella, jeune étudiant sans le sou et celui de Christine, une jeune femme paumée. Une étrange attirance va les lier l'un à l'autre. Daniel sera happé malgré lui dans une histoire ahurissante d'holocauste nucléaire et de secte de fin du monde. Ce Murmure des loups est un récit plein d'ombres et de folie, à la fois fascinant et repoussant, dans un univers en marge du monde normal, où tous les repères habituels sont brouillés et la réalité devient floue.
Personnellement je l'ai trouvé moins passionnant que l'Armure de Vengeance même si ce roman a d'évidentes qualités littéraires. A lire sans aucun doute.

mercredi 9 mai 2018

Odysséa (Thomas Munier)

Tandis que Troie en ruines termine de se consumer, Ulysse porte son regard vers la mer et aspire à retrouver sa patrie.

Odysséa est un jeu de rôle de Thomas Munier nous invitant à revivre l'odyssée d'Ulysse mais pas celle contée par Homère, enfin oui mais pas seulement. Il s'agit d'une version plus sombre et fantasmagorique, un voyage revisité par Thomas, une épopée tragique où les aventures du roi d'Ithaque croisent les étrangetés de Millevaux.
Thomas réussit le tour de force de mélanger le récit mythologique avec les éléments constitutifs de Millevaux que sont la forêt, l'oubli, l'emprise et l'égrégore. Au fil des 43 pages du livret de jeu, étrangement illustré par Thibault Boube et Pierre Morin, on découvre un jeu où la destinée et les choix moraux font partie intégrante de l'univers et des règles de jeu. Thomas met particulièrement l'accent sur les pactes et les prix à payer pour obtenir ce qu'on veut ou pour attendre ses objectifs.
Aucun héros ne sort indemne de cette Odysséa; chaque action entreprise est assortie d'un prix à payer, souvent douloureux, d'autant plus douloureux que l'issue de l'action a d'importance dans la suite de l'aventure. C'est le véritable cœur du jeu et ce qui lui donne son charme si particulier.
Dans Odysséa, vous pouvez rejouer l'Odyssée ou vous en écarter radicalement. Le temps et l'espace sont traîtres. Les dieux sont cruelles et aux abois. Les créatures de la mythologie sont des Horlas gorgés d'égrégore et de magie noire, la mer est envahie par la forêt.
Le meneur de jeu, appelé ici le Confident, est invité à se montrer retord; il ne doit jamais hésiter à reprendre ce qu'il a donné, à malmener ce à quoi les personnages tiennent ou ce pour quoi ils se sont battus. Si les personnages veulent avancer, ils devront faire des sacrifices, pactiser avec les engeances de Millevaux et les dieux, trahir leurs amis, s'allier à leurs ennemis.
Plus qu'un personnage légendaire, Ulysse est un symbole dans lequel les personnages pourront s'incarner au gré de leurs aventures. Les joueur.euse.s pourront à loisir endosser le rôle d'Ulysse et/ou de ses compagnons. Nul ne sait si Ulysse réussira à regagner sa terre natale. Nul ne sait s'il retrouvera  sa fidèle Pénélope et son fils Télémaque.
Avec Odysséa, vous avez l'opportunité de vivre et de réécrire cette épopée. A vous de jouer.

Une fois encore Thomas signe une perle du jeu de rôle expérimental; c'est étrange et dérangeant mais aussi très intriguant. J'ai un peu de mal à voir comment mettre en pratique les conseils de jeu mais j'imagine bien l'effet troublant que peut avoir ce jeu sur les joueur·euse·s lorsqu'ils seront confronté·e·s à la mécanique cruelle du prix à payer. On ne sort pas indemne d'une partie d'Odysséa; c'est en tout cas l'impression que j'ai.
La lecture de ce jeu allié au visionnage le mois dernier de la série Troy, Fall of a City donne vraiment envie de jouer à Odysséa. Encore faut-il que je trouve le groupe adéquat, ou alors adoucir un peu le propos et le tester avec mes enfants. J'hésite encore. Les jeux de Thomas sont très typés et certaines situations de jeu risquent de choquer les jeunes joueur·euse·s
Après tout, on ne s'aventure pas dans Millevaux impunément.

mardi 1 mai 2018

L'Armure de vengeance (Serge Brussolo)

Par une nuit sans lune Jehan de Montpéril, le chevalier errant, est chargé d'escorter au fond de la forêt six fossoyeurs porteurs d'un cercueil bardé de fer.
C'est une armure vide qu'il s'agit d'enterrer. Une armure maléfique, une armure tueuse qui, dit-on, bouge toute seule et répète, passé minuit, les gestes de mort appris sur le champ de bataille. Malgré cela, bien des chevaliers la convoitent, au risque de voir leur famille décimée par le vêtement de métal ensorcelé. Qu'importe ! N'a-t-il pas la réputation de rendre invincible celui qui s'en revêt ? Une malédiction pèse-t-elle vraiment sur l'armure ? Ou bien quelqu'un se sert-il de cette légende pour mener à bien une vengeance mystérieuse ? Une enquête gothique et cruelle qui nous convie à une envoûtante exploration des sortilèges du Moyen Age.

C'est par hasard que je suis tombé sur ce roman, au détour d'une boîte à livres, vous savez bien, des bibliothèques de rue ouvertes à tous où on peut librement prendre ou déposer un livre. Et on peut dire que le hasard fait bien les choses: je cherchais justement une idée de lecture sans trop savoir quoi lire.
J'ai véritablement dévoré ce polar médiéval, de la première à la dernière page.
Dès la première ligne, l'auteur m'a scotché à son récit, me plongeant dans un Moyen Age sombre et inquiétant, emprunt de croyances et de superstitions improbables; l'usage d'un vocabulaire ancienne  renforce encore l'immersion. L'intrigue est prenante, l'enquête menée par le chevalier Jehan de Montpéril intelligemment exposée, plongeant le lecture dans le doute et l'expectative. La galerie des personnages proposés est terriblement inspirante, le récit efficace en diable.
On doute sans cesse et on finit par se prendre au jeu de l'investigation, allant jusqu'à formuler soi-même certaines suppositions, menant l'enquête comme si on était aux côtés du chevalier Jehan, les révélations et les retournements de situation ne manquant pas de nous plonger un peu plus dans la confusion la plus totale, jusqu'à la révélation finale.
Un polar efficace et une inspiration très ambitieuse pour n'importe quel jeu de rôle d'enquête médiévale.