Ca, c'est pour l'aspect purement éditorial.
Lacuna, c'est aussi un phénomène, un véritable OVNI ludique qui a fait couler beaucoup d'encre dans le petit monde du jeu de rôle.
Petit livret d'une cinquantaine de pages, Lacuna se présente comme un manuel d'instructions à l'attention des Agents de la Compagnie. Vous êtes un agent nouvellement recruté par une mystérieuse organisation. Vos missions consisteront à vous rendre dans Blue City, une ville qui n'existe que dans l'inconscient collectif, une espèce de Monde des Rêves, pour y traquer des Personnalités Hostiles.
Vous l'aurez compris, le pitch de
Lacuna mixe allègrement
Matrix,
Dark City et les délires oniriques. Dans
Blue City, tout est possible et il est possible d'y mourir aussi. Mais ce qui fait le charme de
Lacuna, ce sont ses zones d'ombres, ses mystères. Le livret comporte des passages caviardés par les hautes instances de la
Compagnie; l'accès à l'information est strictement régi par des niveaux d'accréditation (qui a dit
Paranoïa). D'étranges araignées (arachnophobes s'abstenir) gardent les secrets de
Blue City, sans compter une énigmatique
Fille dont il est question dans le titre du jeu. Le format et la mise en page du livre de jeu participent de la mise en place de cette ambiance et de cet univers si particulier.
Techniquement, le jeu reste assez classique: un système de jeu se basant sur trois caractéristiques certes assez typées mais rien de surprenant, une liste de talents et compétences dépendant des formations suivies par l'agent et, plus déconcertant, un score de points de vie prenant la forme de bpm (battements par minute). Chaque action d'un agent augmente son bpm, avec le risque d'aller trop loin et de succomber à une crise cardiaque.
On a beaucoup critiqué Lacuna, les uns le portant au pinacle du génie rôliste, d'autres criant au scandale et arguant que le jeu est incomplète voire injouable.
Pour moi Lacuna est un test de Rorschach: il est intrigant et il ouvre des possibilités. Je ne pense pas qu'il soit incomplet en tant que tel. Mon sentiment est que l'auteur a volontairement laissé des blancs que le meneur et les joueurs auront à combler s'ils veulent découvrir les secrets de Blue City. C'est un jeu qui demandera un peu (ou beaucoup) de travail de préparation selon l'envie du meneur et les attentes des joueurs mais n'est-ce pas le lot de la plupart des jeux de rôle?
Est-ce que je vais jouer à Lacuna? Pas dans l'immédiat (j'ai pas les joueurs pour) et peut-être pas en l'état. Par contre ce jeu fourmille de bonnes idées à piquer pour enrichir son imaginaire, y rajouter une bonne couche de mystères, de conspirations et de rêves étranges.
Un jeu à lire très certainement, un jeu inspirant sans aucun doute, un jeu à jouer peut-être.
Pour un retour d'expérience en format audio, je vous conseille d'écouter le
podcast que la
Cellule a consacré à ce jeu.