jeudi 16 mai 2024

Bois Dormant (jeu de rôle, Melville)

Dans un futur proche, un étrange mal a frappé l'humanité; appelé syndrome du Bois Dormant, ou plus communément narcose, cet étrange mal a plongé 90% de la population de la mégapole dans un sommeil catatonique. Les victimes restent vivantes mais n'ont plus besoin de manger ou de boire. Elles reposent, telles des Belles au Bois Dormant, dans un sommeil qui semble les figer dans le temps. 

Face à l'épidémie, le gouvernement a confiné la ville, y emprisonnant les quelques immunisé.e.s, survivants d'une étrange apocalypse, contraints de s'organiser pour survivre.

Dans cette enclave où la végétation a commencé à tout envahir, vous incarnez les membres d'une communauté et allez devoir faire face aux défis de la survie, des pénuries, des menaces externes comme internes, et aussi vaincre vos démons intérieurs.

Bois Dormant est un jeu de rôle de Melville, joliment illustré par JE SUIS UNE LÉGUME, édité chez Dystopia. J'ai acquis la version numérique, un PDF de 145 pages, mise en page claire et aérée, que j'ai dévoré en quelques jours.

Bois Dormant s'inscrit dans la mouvance des jeux Belonging Outside Belonging (BoB) lancée par l'auteure Avery Alder avec Dream Askew. C'est un jeu de rôle sans dé et sans meneur.euse de jeu, les participant.e.s se partageant entre l'interprétation de leur personnage respectif et des domaines, éléments de décor du jeu, personnages non joueurs et autres, autour d'une économie de jetons permettant d'alterner les scènes critiques et les moments plus contemplatifs ou narratifs.

J'avais découvert le jeu il y a un moment déjà via l'actual play de 2d6+Cool; la vidéo est d'ailleurs toujours accessible et donne une bonne idée du jeu, en plus de proposer une vraie partie en se basant sur le cadre de jeu proposé dans le livre.

Le jeu propose donc d'incarner des personnages importants d'une communauté à priori non-violente, qui tente de survivre dans l'enclave. Les profils proposés sont l'Antenne, la Bricole, le Cataplasme, l'Encyclo, le Graff, la Main Verte et le M.C. Les domaines, c'est-à-dire les éléments de décor constitutifs du cadre de jeu sont les Gangs en guerre, la nature foisonnante, les divers pénuries, la ville qui s'éveille, le blocus gouvernemental, les narcosés si nombreux. Tout en interprétant son personnage, un.e joueur.euse pourra inviter dans la fiction un domaine spécifique, y placer des PNJ, des dangers, autant d'éléments qui viendront s'ajouter à la narration et qui pourront être repris par les autres joueur.euse.s pour faire évoluer l'histoire.

Ici, pas de dés mais des jetons qui permettent d'acheter des issues bénéfiques aux scènes joués, ou qu'on peut gagner en plaçant son personnage dans une situation de vulnérabilité, ou encore en aidant les autres protagonistes. Ici l'accent est mis clairement sur l'entraide, même si dès le départ, les personnages sont tiraillés par des envies ou des pulsions pouvant entrer en contradiction avec les autres membres du groupe. Trouver des solutions ensemble et faire communauté est LE défi du jeu.

Largement inspiré par les PbtA (Propulsé par l'Apocalypse), le livre propose des livrets pour chaque profil et chaque domaine, une fiche de communauté, un cadre de jeu prêt à jouer (le Caire, trois ans après le début de la catastrophe), et un maximum d'explications et d'exemples pour aider les joueur.euse.s débutant.e.s à se lancer.

Qu'en ai-je pensé et vais-je y jouer? J'étais déjà fortement intrigué par les BoB et je me souviens à l'époque avoir suivi avec beaucoup d'intérêt l'actual play du jeu. Dream Askew me semblait peut-être un peu trop extrême (désolé pour la formulation mais je n'ai pas trouvé d'autre mot) pour se lancer mais avec Bois Dormant, Melville nous offre une belle occasion de découvrir un BoB en français et de voir comment il peut tourner. De ce point de vue, l'objectif est atteint. Au-delà du jeu lui-même, je parle ici de l'univers, des personnages, des thèmes, Meville prend le temps de bien cadrer les aspects méta du jeu, comment organiser une partie, les rôles de chacun.e, la question de la sécurité émotionnelle, la mise en place pour permettre à chacun.e de profiter au mieux de l'expérience ludique et narrative, dans les meilleures conditions, de passer un moment fun. C'est un aspect qui est particulièrement soigné dans Bois Dormant.

Vais-je y jouer? Difficile à dire en l'état. Je n'ai pas de groupe de joueur.euse.s attitré.e.s pour l'instant; actuellement je ne suis que joueur à une table. Le mode no dice no master est assez particulier et bouscule pas mal mes habitudes de joueur et de meneur de jeu, il faut le reconnaître. Et il faut trouver des participant.e.s intéressé.e.s à construire et vivre une expérience narrative bien particulière. Cela étant, ce n'est pas impossible et avec l'approche très didactique de Bois Dormant, c'est même tout à fait abordable. L'occasion fera sans doute le larron comme on dit. Et quoi qu'il en soit, il y a plein d'éléments d'univers et de jeu qu'on peut prendre et adapter à ses propres tablées de jeu de rôle ou à d'autres jeux, l'accent sur la collaboration et l'entraide n'étant qu'un point parmi tant d'autres. Même sans y jouer, Bois Dormant reste une expérience intéressante et pleine d'enseignements.

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