Cet article est le premier d'une lecture commentée de Flotsam: Adrift Amongst the Stars.
Flotsam: Adrift Amongst the Stars est un jeu de rôle Joshua Fox, issu de la mouvance Belonging Outside Belonging initiée par Avery Adler avec Dream Askew.
Flotsam vous propose d'incarner les habitants d'une station spatiale, membres d'une petite communauté marginalisée, dans l'ombre d'une société riche et prospère. Les personnages ne font pas partie des classes aisées et dirigeantes mais plutôt de la masse ouvrière de la station, ceux qui travaillent dans l'ombre et tentent de s'en sortir et de survivre au jour le jour. On rejoint ici l'un des thèmes de Dream Askew, à savoir le fait d'incarner des personnages en marge de la société, avec cette notion de survie et d'entraide entre les membres de la communauté, face aux menaces du monde extérieur. Par ses mécaniques, le jeu encourage les relations entre les personnages et le développement d'un cadre de jeu original construit en commun.
A l'image de Dream Askew, Flotsam propose un ensemble de playbooks pour les personnages et de Situations pour les éléments du cadre de jeu. Le jeu étant GM-less, chaque participant.e sera invité.e à incarner son personnage Principal (Primary) et des Situations, avec la possibilité d'introduire des personnages secondaires. Chaque personnage, représenté par un playbook, est unique et possède des Forces et des Faiblesses ainsi que des Relations esquissant une carte de relations entre lui.elle et les autres personnages voire certains personnages secondaires. Les Actions (Moves) donnent lieu à des gains ou des dépenses de jetons selon que le personnage utilise une Force ou une Faiblesse.
A noter aussi que comme Dream Askew, Flotsam est un jeu sans dé.
Chaque joueur.euse est en charge d'un personnage représenté par son playbook et d'une ou plusieurs Situations c'est-à-dire des morceaux du cadre de jeu, concrètement une partie de la station spatiale ou un aspect de la vie à bord de la structure.
Le développement des intrigues se fait par un jeu de Questions, à l'image de ce qui se fait dans les jeux Propulsés par l'Apocalypse. Ici, comme chaque joueur.euse est un.e meneur.euse de jeu potentiel.le, lorsqu'on souhaite développer un aspect du jeu ou étoffer une Situation, une Question est posée par un.e participant.e et la réponse est fournie par un.e autre participant.e. On évite ainsi qu'un.e joueur.euse ne crée de manière unilatérale des éléments dans l'histoire, tout en favorisant la surprise et l'aspect inattendu des événements dans la narration. L'histoire se construit alors d'elle-même, de Questions en Réponses et ainsi de suite sous la forme d'une conversation entre les joueur.euse.s. Une manière élégante et astucieuse de distribuer la parole autour de la table et d'obtenir sans doute des parties très différentes d'un groupe à l'autre.
Autre outil narratif proposé par les règles: la Scène. L'histoire peut être divisée en Scènes. Partant de là, un.e participant.e est désigné.e pour définir la Scène: quand et où ça se passe. Une Scène peut être centrée sur un personnage en particulier, aux autres participant.e.s d'incarner les personnages secondaires ou leurs personnages principaux si cela fait partie dans la scène. Chaque participant.e peut aider à créer et mettre en place la Scène; toutes les idées sont bonnes et peuvent bien entendu être proposées et incluses si elles font consensus. Une check-list fournie par l'auteur permet de bien cadrer la Scène et de bien définir le sujet qui sera abordé, la ou les actions qui seront narrées. Il est important de rester attentif à ce qui se passe lors d'une Scène afin de pouvoir la clôturer de manière satisfaisante et adéquate. Là encore, l'auteur donne quelques conseils.
Au sein d'une Scène, chaque participant peut jouer un Rôle; cela inclue le fait de jouer son personnage Principal ou une Situation, ou encore des personnages Secondaires. Chaque participant.e est libre de se proposer ou non pour une Scène et libre également de décliner sa participation à une Scène. Le jeu a été pensé pour permettre à chacun.e de nuancer son implication dans les Scènes. On peut également intégrer une Scène en cours pour autant que l'historie le permette et que l'intervention soit opportune.
Ces Procédures de jeu, où le partage de narration est mis en avant, ne doivent en aucun cas être contraignantes. Certaines personnes seront plus à l'aise de jouer des Situations tandis que d'autres auront tendance à se cantonner à leurs personnages Principaux. C'est correct. Pour autant, Flotsam n'a pas été imaginé pour supporter le mode de jeu traditionnel 1 MJ+X Joueur.euses. Ce n'est pas le but recherché. Il faut donc rester attentif à ce que les rôles narratifs passent bien de l'un.e à l'autre mais en ne forçant personne bien évidemment. Ce mode de jeu pouvant parfois amener à une surcharge cognitive, l'auteur conseille de prendre des pauses régulières et de limiter les parties dans le temps. Le confort des participant.e.s passent avant les intérêts purement narratifs, c'est évident.
La manière de jouer une Scène répond à un schéma expliqué par l'auteur. Selon qu'un personnage Principal utilise une Force ou une Faiblesse, des Complications peuvent survenir et la Situation évoluer, des jetons peuvent être dépensés ou gagnés. L'approche est très pédagogique et procédurale mais permet à chaque participant.e d'endosser sans heurt les rôles de Personnages et de MJ lors d'une Scène.
Autre procédure primordiale du jeu: les Questions. Elles permettent de faire avancer l'histoire et de définir le cadre de jeu. Comme expliqué plus haut, une Question est posée par la personne qui raconte à un.e autre participant.e. Les réponses doivent toujours être cohérentes et honnêtes et peuvent le cas échéant être soumises à validation par les autres participant.e.s. Cela peut paraître très procédural en théorie mais en pratique, les Questions sont posées de manière simple et fluide au cours de la conversation. Selon moi, les Questions font partie des mécaniques permettant un partage narratif. C'est un des rouages essentiels du game design de Flotsam.
Comme dans les PbtA, chaque personnage dispose d'Actions de base quel que soit son playbook. Les Actions de base couvrent toutes les actions communes que peut entreprendre un personnage en utilisant ou pas une Force, une Ressource ou une Faiblesse, avec une dépense ou un gain de jeton le cas échéant et selon les Complications proposées par les autres joueur.euse.s.
Les autres Actions plus spécifiques à chaque archétype, dites Actions Spéciales, sont reprises sur chaque playbook.
A noter que les personnages ne sont pas statiques et sont appelés à évoluer au cours de l'histoire. Cela est rendu possible par des Marques que chaque joueur.euse est invité.e à faire en regard des Relations et des Faiblesses utilisées au cours d'une Scène. Trois Marques signifient que cette Relation ou cette Faiblesse doit changer et peut être réécrite différemment. Une façon élégante de simuler l'évolution émotionnelle d'un personnage suite à certains événements vécus.
Les Relations entre les personnages, Principaux ou Secondaires, évoluent également si les personnages se livrent et montrent leur vraie nature: on appelle cela Montrer son Cœur. Cette action, hautement sociale, a pour conséquence de remanier profondément les Relations d'un personnage.
Comme déjà mentionné plus haut, l'évolution d'un personnage est directement impactée par les Relations et les Faiblesses mises en jeu et Marquées par le.la joueur.euse. Au bout de 3 Marques, une évolution est possible et pourra donner lieu à de nouvelles Forces, Faiblesses ou Relations au choix du joueur.euse selon une approche organique.
Comme on le voit, le relationnel est très important dans Flotsam et est même au cœur du jeu.
Les Situations quant à elles correspondent aux éléments du cadre de jeu. En fait tout ce qui n'est pas un personnage Principal peut être considéré comme une Situation. Ce sont des endroits dans la station spatiale, des groupes ou des factions extérieures, des conditions spécifiques comme la Pauvreté, la Guerre, les Gangs, le Monde Extérieur, etc.
Les Situations décrivent le monde et permettent de créer de nouveaux éléments par l'entremise du système des Questions. Elles offrent l'opportunité de développer des Personnages Secondaires ou une adversité intéressante, de poser ou de concrétiser des Menaces et d'ajouter des éléments narratifs.
Bien entendu, les personnages seront appelés à réagir face aux Situations en utilisant leurs Forces, leurs Faiblesses ou en mettant en jeu leurs Relations suivant les règles expliquées plus haut.
Les Situations sont représentées en jeu par des feuillets similaires à des playbooks et que les joueur.euse.s pourront utiliser comme support pour les jouer de manière adéquate.
Une dernière chose: l'auteur a pris soin d'inclure dans ce qu'il appelle les Procédures de jeu plusieurs outils pour assurer une certaine qualité de jeu: discussion et présentation des thèmes qui seront abordés en cours de jeu, sécurité émotionnelle et X-card.
D'un point de vue pratique, le livre de règles se présente sous la forme d'un PDF de 180 pages, à la mise en page aérée avec plusieurs illustrations pleine page très inspirantes.
Le jeu est proposé avec une aide de jeu très appréciable reprenant un résumé des règles, des listes de noms pour les personnages principaux et secondaires, les playbooks, les Origines des personnages, une feuille de Menaces (permettant de noter les Menaces qui planent sur la communauté), les Situations.
A la lecture des 60 premières pages de Flotsam, j'ai déjà le sentiment d'être face à un jeu très mature et qui a su tirer et transcender tous les ingrédients élémentaires du système de jeu Belonging Outside Belonging. Un bel exemple d'appropriation du système de jeu.
Le setting proposé, le monde d'En-Dessous d'une station spatiale, semble idéal pour explorer les thématiques de la communauté en marge et des sentiments parfois exacerbés qui peuvent y éclore. Les différents archétypes de personnages et les cadres sont inspirants et sont très représentatifs des thèmes proposés.
En 60 pages, on a toutes les mécaniques de jeu clairement exposées, exemples à l'appui, de manière pédagogique, ce qui est appréciable surtout quand on vient comme moi du jeu de rôle dit traditionnel.
Dans un prochain article, je reviendrai sur les Principes fondamentaux du jeu, les playbooks (et donc les archétypes de personnages), les origines possibles des personnages et les Situations.
Un troisième article sera consacré aux scénarios inclus dans le livre de jeu ainsi que le Teaching Guide, sorte d'aide de jeu/résumé qui semble bien pratique si on veut éviter de feuilleter son livre de base en cours de partie.
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